Ah, le Husky ! Animal presque sauvage, chien indomptable, épris de liberté, qui a besoin d’être guidé par un véritable « chef de meute » pour s’épanouir, et qui ravage le salon de ses maîtres s’il ne court pas ses vingt kilomètres par jour… il en circule, des idées reçues à son sujet ! Son allure lupine, sa fourrure de canidé sauvage et ses yeux couleur bleu azur suscitent bien des fantasmes…
Il est vrai que le Husky compte parmi les chiens dits « primitifs », qui ont subi peu de travail de sélection de la part de l’Homme par rapport à d’autres races. Ces chiens, classés dans le groupe 5 de la nomenclature des races de la Fédération Cynologique Internationale, sont plus proches, tant physiquement qu’au niveau comportemental, des canidés sauvages. À l’opposé, certaines races de chiens ont été très modifiées par la sélection artificielle : il est difficile d’imaginer que le Bouledogue Français ou le Shih-Tzu ont un ancêtre en commun avec le Loup gris (même si c’est bien le cas) ! Au niveau éthologique, les primitifs ont des spécificités en commun : ils sont souvent indépendants, ont un instinct de chasse plus développé que la moyenne, et ne sont pas des animaux qui obéissent à leurs humains aveuglément ! Contrairement à certaines races de travail pour qui exécuter une consigne peut procurer de la dopamine et donc du plaisir, les races primitives, elles, n’obéissent pas « bêtement » au doigt et à l’œil. Si elles n’y trouvent pas un intérêt immédiat, pourquoi donc s’abaisseraient-elles à nous obéir, misérables humains que nous sommes ? Bien sûr, je caricature, mais quand vous rappelez un chien primitif au pied et qu’il vous ignore superbement, c’est un peu ce que vous ressentez ! J’aime beaucoup les propriétaires de chiens primitifs, car leurs animaux leur enseignent l’humilité au quotidien. On sait qu’on ne prend pas un Husky pour frimer en le promenant dans la rue sans laisse et en lui faisant exécuter des ordres en quelques claquement de doigts.
J’adore les Huskies. Vraiment. J’en parlais encore aujourd’hui. À partir du moment où leurs besoins sont comblés, ce sont des chiens joyeux et faciles à vivre. Sauf exception, ils adorent la compagnie de leurs congénères. C’est un trait de caractère à prendre sérieusement en compte : si vous avez un autre chien, c’est un sacré bonus, car le Husky apprécie vraiment la vie de groupe. Sinon, il faudra lui présenter d’autres chiens régulièrement, à défaut de quoi, il n’hésitera pas à passer sous votre clôture pour aller taper la causette avec le Labrador du voisin. Rien de plus normal, pour un chien dont les ancêtres tiraient des traîneaux en groupe et dont les compétences sociales étaient recherchées. Attention cependant, le Husky tel que nous le connaissons n’est plus celui qui tirait des traîneaux en Sibérie. S’il existe encore des lignées de Huskies Sibériens de travail, plébiscitées par les mushers, le Husky tel qu’on le rencontre actuellement est sélectionné sur des critères physiques et est beaucoup moins demandeur d’exercice physique que son cousin. Ce serait totalement ingérable dans la vie quotidienne ! Si le Husky actuel a besoin d’au moins une heure de promenade quotidienne pour être bien dans ses pattes, il n’est pas obligatoire d’être un sportif de haut niveau pour le rendre heureux. Il peut même vivre très confortablement en appartement malgré les dires des mauvaises langues, à partir du moment où il bénéficie de plusieurs promenades journalières.
Il n’est pas complètement faux d’affirmer que le Husky est fugueur. Si ses besoins exploratoires et sociaux ne sont pas comblés, il saura très bien se débrouiller pour les satisfaire tout seul ! Il est suffisamment agile et autonome pour cela. Cependant, il reste avant tout un chien et il préfère partager ces activités avec son groupe social (ses maîtres). Si vous lui proposez suffisamment d’activités (je ne le répéterai jamais assez, faire un tour dans le jardin n’est PAS une activité), il ne ressentira pas le besoin de s’échapper pour se trouver des occupations. De même, il peut être promené en liberté en forêt ou dans un parc comme n’importe quelle autre race de chien : si vous entretenez une bonne relation avec lui, et si vous lui enseignez le rappel en positif (quelques morceaux de viande dans la poche pourront aider !), votre Husky sera ravi de revenir au rappel… à moins qu’un écureuil ne montre le bout de sa queue.
Car le Husky est chasseur. C’est indéniable. Son instinct de prédation étant plus prononcé que chez d’autres races de chien, il est nécessaire d’être vigilant quand il est en liberté. La faune sauvage et les chats du quartier pourraient en faire les frais. Si vous avez l’occasion de le nourrir au cru, vous comblerez au moins chez le Husky le besoin de mastiquer, dilacérer la viande et croquer les os, à défaut de pouvoir combler son instinct de poursuite en le laissant chasser, ce qui serait bien évidemment cruel pour les animaux croisés en promenade.
Conseil qu’il est toujours bon de rappeler, le Husky n’est pas fait pour rester seul dix heures par jour. Il est évident que travailler est nécessaire pour vivre, mais laisser un chien seul aussi longtemps est une négation totale de ses besoins éthologiques. Essayez de recruter un(e) dog-sitter, laissez votre chien en garde chez un ami qui a un autre chien, confiez-le à une garderie canine de jour, mais ne le laissez pas seul dix heures par jour, cinq jours sur sept. Le Husky n’est peut-être plus un acharné des sports de traîneaux (et encore, certains le sont, en fonction de leur génétique et de la condition physique dans laquelle on les maintient), mais il a besoin d’explorer, de gambader, de renifler, de jouer, de rencontrer d’autres chiens, bref, de vivre, tout simplement !
Enfin, si vous comptez sur votre Husky pour monter la garde, vous risquez de tomber de haut. Il est plus probable de le retrouver en train de prendre le thé avec un cambrioleur plutôt que de le surprendre tout crocs dehors et l’échine hérissée à essayer de chasser un intrus qui se serait trop approché de votre portail. Le Husky est probablement l’une des seules races de chien à faire la fête au facteur ! Dire que, parfois, il ne se lève même pas du canapé pour vous saluer quand vous rentrez du travail… C’est ça, le Husky : un chien qui vous amènera toujours à vous remettre en question et à vous améliorer, un animal tout en contradictions, qui vous fera mourir de rire quand il vous fera la conversation (le Husky cause, et aime s’entendre parler !), et qui vous fera vous arracher les cheveux quand il aura décidé de ne revenir à vos pieds qu’APRÈS s’être copieusement roulé dans ce cadavre de ragondin faisandé qui empeste à deux-cents mètres. Le Husky est un hymne à la vie enfoui sous un amas de fourrure, un épicurien caché derrière un regard couleur lagon. À ses côtés, et si vous lui consacrez le temps et la patience qu’il mérite, vous apprendrez à devenir un peu un chien vous-même et vous mordrez à pleines dents dans la vie.
Elsa Weiss / Cynopolis
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