Dans le milieu du Border Collie de travail, on entend souvent l’expression « will to please », qui peut se traduire par « l’envie de faire plaisir », « la volonté de plaire ». Elle désigne cette volonté des bons chiens de travail de « faire plaisir » à leur binôme humain. Cette notion n’est pas très scientifique, car, selon les lois de l’apprentissage (dont je vous parle souvent et vous parlerai toujours sur cette page car elles constituent la base de l’éducation de tout animal -et de tout humain), n’importe quel individu produit un comportement dans le but de SE faire plaisir avant tout. Tout comportement recevant un renforçateur se reproduira, tout comportement recevant un aversif finira par disparaître. Même lorsqu’on est bénévole au sein d’une association, on agit parce que cela nous fait du bien : on a l’impression de se rendre utile, de faire avancer le monde, cela augmente éventuellement l’estime que l’on a de soi-même. Rien n’est totalement désintéressé selon les lois de l’apprentissage. Cela ne rend aucunement le bénévolat moins glorieux, c’est toujours très chouette de donner de son temps pour une cause qui nous tient à cœur !
Mais je m’égare. Vous aurez cependant compris, au travers de mes égarements, que le « will to please », s’il existe bel et bien, est une expression légèrement galvaudée. En effet, un chien qui a un bon « will to please » est avant tout un chien qui est très sensible à la récompense sociale. Par exemple, quand je demande une mission à mes trois chiens, je n’utilise pas le même renforçateur en fonction du chien à qui j’ai affaire : pour Farouk, mon Staff, j’emploie la nourriture, car il y est particulièrement sensible. La caresse, très peu pour lui dans un contexte de travail. Il se désintéressera très vite de la tâche demandée si je ne renforce pas ses actions avec de la nourriture. Mes deux Borders, en revanche, et en particulier mon plus jeune qui est issu d’une lignée sélectionnée pour le travail sur ovins, sont beaucoup plus sensibles à la récompense sociale. Ils apprécient une parole de félicitation ou une caresse, même dans le cadre du travail. À mes yeux, le « will to please », c’est d’abord ça : un chien sensible aux récompenses sociales, et qui donne donc davantage l’impression de répondre à des consignes « pour pas grand-chose », qu’un chien qui est davantage intéressé par un renforçateur primaire comme la nourriture.
D’autre part, je pense que le « will to please » fait aussi partie d’un package -si je peux me permettre d’employer ce mot- présent chez les chiens pour qui le travail est quasiment une récompense intrinsèque. Certains chiens, comme Farouk mon American Staff, ont appris à apprécier les séances d’entraînement parce qu’ils les ont associées à des renforçateurs intéressants, comme la nourriture. Si j’enlève la nourriture, l’intérêt du chien diminue comme peau de chagrin. Tandis que pour certains chiens, comme les Borders ou les Malinois (en tout cas, certains individus de certaines lignées au sein de ces races) produisent de la dopamine rien qu’en exécutant une tâche particulière : le simple fait de travailler est quasiment un renforçateur en soi. Ce qui en fait des chiens de travail extraordinaires, mais pas toujours de bons chiens de compagnie, car ils ont besoin d’être stimulés intellectuellement et cela n’est pas toujours compatible avec une vie de chien de famille lambda.
Le « will to please » est donc une qualité à nuancer, car elle est bien plus complexe que la simple envie de faire plaisir à son humain. Mais il est certain que, si l’on choisit un chien dans un objectif de travail -si l’on est éleveur et que l’on a besoin d’un chien de conduite, par exemple- le « will to please » sera une qualité à rechercher chez un chiot, en prenant en compte les qualités de travail des parents. Même si rien n’est jamais acquis et que, sans un lien solide et qualitatif entre le chien et son humain, le « will to please » ne pourra jamais s’exprimer !
Elsa Weiss / Cynopolis Formations
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