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Photo du rédacteurCynopolis Elsa Weiss

La tragédie du petit chien

Quand on est un individu de petite taille (et j’en sais quelque chose !), on souffre parfois du manque de respect de son entourage. Je ne parle pas de moqueries, mais plutôt du fait que l’on passe plus facilement inaperçu au quotidien qu’une personne plus imposante, et qu’il faille toujours en rajouter quand on a besoin d’être écouté. Je n’ai jamais souffert d’être petite, c’est une particularité dont je me suis toujours bien accommodée, et j’en plaisante moi-même volontiers. J’aime la discrétion donc ma petite taille m’arrange dans bien des situations. En revanche, en situation conflictuelle (que je déteste), je ressens une profonde difficulté à m’imposer. Je finis donc par m’agacer, parce que je ne me sens pas écoutée, et ma crise de colère fait sur mon interlocuteur l’effet d’un pétard mouillé.


Alors, j’ai beaucoup de compassion pour les petits chiens. Quand je les vois se déchaîner en bout de laisse, aboyer et se débattre comme de beaux diables, et qu’ils ne reçoivent comme réponse qu’un hélitreuillage en bonne et due forme, j’ai de la peine pour eux. Leur colère provoque le rire ou l’indifférence, alors qu’elle serait effrayante s’ils pesaient le poids d’un Berger Allemand. Les petits chiens sont obligés de tout faire en grand pour se faire remarquer, et même là, ils provoquent l’hilarité : « Ce sont toujours les plus petits qui aboient le plus ! » plaisante le premier badaud venu.


C’est dur, d’être un petit chien. On pense qu’un jardin est amplement suffisant pour dégourdir ses petites pattes. On oublie que, dans ce petit corps, se cache un esprit aventureux qui rêverait de découvrir le monde. Le petit chien, on l’attrape sans lui demander son avis, on le cajole, on l’étouffe, on lui inflige nos parfums d’humains. Il est réduit à l’état de bibelot, il sent bon, il fait joli dans le salon. Les rares fois où l’on daigne lui accorder une promenade, il ne peut jamais s’approcher des autres chiens. Pourtant, il n’y a qu’auprès de ces derniers qu’il arrive à obtenir un peu de respect. Chez les chiens, que l’on soit grand ou petit, c’est la confiance en soi et le charisme que l’on dégage qui inspire l’estime. Et il arrive que l’on soit mille fois plus charismatique en Yorkshire qu’en Dogue Allemand.


Mais le petit chien n’a pas le droit de socialiser. On ne se pose même pas de question. On ne se dit même pas qu’il appartient à la même espèce que le Labrador ou le Doberman qui passe sur le trottoir d’en face. Il y a d’un côté les gros chiens, et de l’autre les petits. Aussi dissemblables que chien et chat. Alors le petit chien est tracté, soulevé, retenu, et toute sa colère contenue explose. Il aboie, il enrage, et sa petite voix insignifiante ne recueille que des éclats de rire.


« Ce sont toujours les plus petits qui aboient le plus ». Il serait faux de prétendre le contraire. Mais, si l’on ne prêtait jamais l’oreille à ce que vous aviez à dire, que l’on vous empêchait toujours de vous exprimer, que l’on niait vos besoins et vos émotions, et que l’on se riait de votre colère, n’aboieriez-vous pas plus fort que les autres ? Si l’on accordait aux petits chiens tout le respect qu’ils méritent, et que l’on écoutait enfin ce qu’ils ont à dire, on se rendrait alors compte qu’ils savent aussi parler… sans avoir besoin de hurler.


Elsa Weiss / Cynopolis

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