Vous avez sûrement remarqué, au cours de vos promenades avec votre compagnon, que tout le monde avait son petit mot à dire au sujet de son éducation. Votre chien ne revient pas au premier rappel ? Pas de souci : Jean-Michel, dont l’oncle par alliance a été maître-chien, va se faire un plaisir de solutionner le problème ! Il a peur des inconnus ? Jacqueline, qui a eu cinq Boxers et considère que cela équivaut à un Master en éthologie, peut vous le transformer en cinq minutes. Si cela peut vous rassurer, on se retrouve conseillé régulièrement (alors même que l’on n’a strictement rien demandé) même lorsqu’on est comportementaliste canin. Mes amis ayant des enfants me disent que c’est aussi monnaie courante de se voir donner des conseils d’éducation au sujet de sa progéniture.
Malheureusement, nous les Français, nous avons généralement vingt ans de retard en matière d’éducation canine. Les sciences cognitives, connaît pas. L’éducation n’est à nos yeux qu’une histoire d’autorité. Bien souvent, le propriétaire conseillé n’en est évidemment pas assez doté : « Il faut lui rappeler qui est le chef », « Il se moque de vous », « Il a besoin de plus de fermeté », se voit-il reprocher régulièrement. Il ne vient pas à l’idée de Jean-Michel et de Jacqueline, les pros de l’éducation canine, que l’apprentissage, c’est d’abord une histoire de technique. Modifier un comportement, ce n’est pas toujours évident, même lorsqu’on est un professionnel du chien. Éteindre un comportement par la peur ou la douleur, ça l’est malheureusement beaucoup plus, et cela fait le plus souvent partie des conseils donnés. J’entends beaucoup plus souvent des incitations à se fâcher, plutôt qu’à récompenser les bons comportements.
Ce qui est particulièrement agaçant dans les conseils de Jean-Michel et Jacqueline, c’est leur caractère péremptoire : « Un chien, ÇA doit obéir », « Il FAUT détacher votre chien quand il rencontre un congénère », « Un chien, ça DOIT marcher au pied », « Un labrador, C’EST gentil ». Parce que notre binôme de fins conseillers a eu la chance de n’avoir affaire qu’à des chiens « conciliants », et qu’il n’a jamais rencontré de difficultés particulières dans leur éducation, il en fait une généralité. Les chiens, ça fonctionne comme ça, point. La diversité génétique ? La part énooorme que joue la génétique sur le comportement d’un individu canin ? Nos amis n’en ont cure. Quand on éduque deux chiens pareil, ils se conduisent pareil. Point. Ah, il est simple, le petit monde de Jean-Michel et Jacqueline ! Parfois, je les envie un peu, moi qui passe ma vie à me torturer l’esprit quand un comportement canin me laisse perplexe.
Je me permets, à mon tour, un petit conseil : quand vous croisez Jean-Michel et Jacqueline, fuyez. Ces personnes qui pensent tout savoir sur l’éducation des chiens, qui vous donnent des solutions que vous n’avez pas demandées, qui jugent le comportement de votre compagnon et le vôtre, sont toxiques. Un chien est un individu complexe. Aucun ne fonctionne comme un autre. Prenez deux chiots d’une même portée, et éduquez-les de la même façon : vous n’obtiendrez JAMAIS deux individus au comportement identique. L’un pourra être un petit ange et l’autre un diablotin. Il est totalement injuste d’accuser le propriétaire d’un chien « difficile » d’être laxiste ou incompétent. Car même lorsqu’on est un professionnel du chien, on peut se retrouver face à un chien qui semble ne répondre à aucune méthode d’apprentissage connue, un chien qui nous en fait baver, un toutou qu’on s’échine à essayer de comprendre sans y arriver entièrement. On peut mettre en place des tas de techniques qui ont fonctionné précédemment, et qui échouent avec ce chien-là. Alors Jean-Michel et Jacqueline, quand ils commencent à nous donner leurs conseils à la noix, on a un peu envie de les envoyer se faire voir chez les Grecs.
Si vous rencontrez des problèmes avec votre toutou, faites-vous aider par un vrai professionnel du chien, mais méfiez-vous des conseils donnés à tort et à travers. Ce n’est pas parce que le Berger Australien du voisin le suit partout sans laisse avec docilité, que le vôtre pourra faire de même. Votre chien a sa propre génétique, celui du voisin a la sienne. Le vôtre sera peut-être trop réactif aux stimuli environnants pour pouvoir être lâché en milieu stimulant. Ce n’est pas pour autant qu’il est « moins bien éduqué » que celui du voisin. Quoi que ce dernier en dise. Suivez votre instinct, observez votre chien, essayez de comprendre pourquoi il présente tel comportement face à tel stimulus, et faites-vous coacher si vous en ressentez le besoin. Et surtout, évitez les horaires de sortie de Jean-Michel et Jacqueline. Votre chien est un individu à part entière, pas de la pâte à modeler. Mais ça, ils ne sont pas assez ouverts d’esprit pour le comprendre !
Elsa Weiss / Cynopolis
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