Entretenir une relation harmonieuse avec son chien est loin d’être aussi simple qu’il y paraît. Beaucoup de problèmes rencontrés par les propriétaires sont dûs à une compréhension biaisée du comportement de leur chien. Accueillir un chien, c’est se renseigner au préalable sur sa psychologie, car lui procurer un toit, de l’amour et de l’eau fraîche, et lui enseigner « assis » et « couché », est bien loin d’être suffisant pour le rendre agréable à vivre au quotidien. Pour tout dire, la plupart de nos chiens ne sont pas aussi heureux qu’on pourrait le souhaiter. Or, un chien qui n’est pas épanoui, c’est l’ingrédient numéro un de la recette d’une relation conflictuelle entre l’animal et son humain. J’ai moi-même, avec mes premiers chiens, entretenu par moments une relation conflictuelle. C’est extrêmement frustrant. C’est en observant, en lisant beaucoup et en enlevant mes œillères d’humain que j’ai enfin pu comprendre que j’aurais pu éviter cela bien plus tôt.
Si vous éprouvez cette désagréable sensation d’être constamment en conflit avec votre compagnon au lieu de collaborer avec lui, j’espère que ces quelques conseils vous aideront à suivre le chemin d’une relation plus épanouissante pour vous deux.
👉 Cessez de penser que votre chien cherche à vous tester ou à vous contrarier :
Voilà une façon de penser on ne peut plus humaine. Il y a dix ans, quand ma chienne Diana ne revenait pas au rappel parce qu’un chat lui passait sous le nez, je me disais qu’elle ne me respectait pas et qu’elle testait mon autorité (en tout cas, le peu que j’avais). La réalité était beaucoup plus simple : le stimulus « chat » était juste beaucoup plus excitant pour elle que la récompense obtenue quand elle revenait au rappel. Mon rappel n’était pas encore d’assez bonne qualité pour que je l’obtienne en présence d’une stimulation aussi forte. Il s’agissait d’une erreur de technique et non pas d’un défaut d’autorité. Un chien est capable de réflexion mais il ne prémédite pas ses actes et n’y accorde aucune valeur morale. Il n’a pas la notion de bien et de mal tel que nous la connaissons, et chercher volontairement à nous contrarier ne fait pas partie de son répertoire comportemental.
👉 Essayez d’adopter son point de vue sur la situation :
Faire preuve d’empathie, c’est faire l’effort d’essayer d’adopter et de comprendre le point de vue de l’autre. C’est la clé d’une relation de qualité entre deux humains, ou entre un humain et son chien. Vous pensez que votre chien a fait une « bêtise » (notion totalement humaine, là encore) parce qu’il a rongé un coin de la table du salon pendant votre absence ? N’est-il pas plus probable qu’il ait tout simplement trouvé le temps long sans vous et qu’il ait cherché à s’occuper à sa façon ? Ou qu’il soit anxieux lorsque vous n’êtes pas là, et que ronger, comme on le fait avec nos ongles, lui apporte de l’apaisement ? Ou encore, qu’il ne soit pas sorti suffisamment les jours précédents et qu’il déborde d’une énergie non dépensée ? Enfin, peut-être que les travaux qui ont débuté dans le quartier l’angoissent et qu’il décharge son stress en mâchonnant ? Il y a mille et une raisons qui poussent un chien à adopter un comportement précis, et il est beaucoup plus bénéfique d’essayer d’en comprendre la cause plutôt que d’en tirer des conclusions hasardeuses et basées sur des notions tout sauf canines.
👉 Récompensez toujours les bons comportements :
C’est la base de l’éducation dite « positive ». Le chien fonctionne en créant une association entre un comportement qu’il produit et sa réponse. Si la réponse lui est favorable, le comportement se répétera. Si elle lui est défavorable, il s’éteindra. Par exemple, si votre chien aboie parce que vous avez son jouet préféré en main et que vous le lui lancez pour le faire taire, vous renforcez au contraire son comportement : il saura qu’aboyer lui permet d’obtenir son jouet. A contrario, si vous l’ignorez quand il aboie et que vous conservez le jouet, le comportement ne perdurera pas. Lancez-le pendant un instant de silence, et votre cher toutou comprendra très vite que c’est le fait de ne pas aboyer qui lui est le plus bénéfique. Une fois qu’on a intégré cette donnée toute simple, on a compris les fondements de l’éducation canine.
Tout comportement renforcé sera reproduit par le chien : plutôt que de punir les « mauvais » comportements, renforcez ceux que vous considérez comme « bons ». N’ayez pas peur d’utiliser la nourriture, qui est un renforçateur primaire (c’est un besoin vital) et qui fonctionne à merveille. Mais toute récompense est intéressante, tant qu’elle renforce le comportement du chien. Si elle ne le renforce pas, c’est que le chien ne la considère pas comme une récompense : si, après avoir rappelé votre chien, vous le caressez, et que vous constatez qu’il revient de moins en moins bien au rappel, c’est qu’il ne considère pas la caresse comme quelque chose de bénéfique dans cette situation particulière. Observez votre chien, essayez de comprendre ce qui le motive dans telle ou telle situation, et renforcez les bons comportements en fonction de vos constatations. Le comportement, c’est une science dont les bases sont à la portée de tous ceux qui font l’effort de s’y intéresser.
👉 Cessez de vouloir tout contrôler :
Ça aussi, c’est une erreur que j’ai commise, et qu’on commet tous quand on entreprend d’éduquer un chien. On aimerait tous qu’il soit parfait, qu’il reste près de nous en promenade, qu’il tolère tous ses congénères, qu’il ne saute pas sur les invités… Bizarrement, c’est quand j’ai commencé à lâcher du lest que la relation avec mes chiens s’est améliorée. J’en croise beaucoup, de ces humains qui auraient besoin de faire de même, mais qui veulent que leur chien leur obéisse « au doigt et à l’œil » : ce sont souvent ceux qui ont le plus de difficultés avec leur compagnon, car ils l’empêchent de répondre à ses besoins de chien qui devraient être comblés avant d’entreprendre le moindre apprentissage. Laissez votre chien vivre (tant que sa liberté n’empiète pas sur celle des autres !), renifler, se rouler, creuser, s’ébattre avec des copains s’il apprécie leur compagnie… et c’est une fois ses besoins comblés, que vous pourrez commencer à obtenir son attention. Ne faites pas de la vie de votre chien un service militaire qui dure quinze ans…
D’autre part, certains apprentissages sont-ils réellement utiles dans la vie de tout les jours ? Par exemple, si vous demandez à votre chien de vous attendre devant la boulangerie, êtes-vous obligé de lui demander de se coucher ? S’il préfère être debout, et qu’il vous attend sagement, pourquoi lui en demander encore davantage ? Quand vous recevez du monde, pourquoi le contraindre à rester dans son panier, quitte à l’y renvoyer cinquante fois dans la soirée et à perdre patience ? S’il n’est pas envahissant et qu’il préfère s’allonger sur le tapis du salon pour être près de vous, ce n’est pas bien grave… Ne soyez pas constamment dans la contrainte et réservez votre rigueur (mais pas votre rigidité !) à des apprentissages qui sont vraiment indispensables au quotidien, le rappel par exemple.
👉 Passez à autre chose si vous vous sentez submergé par vos émotions :
Si cela peut vous rassurer, c’est mon problème numéro un ! Ceux qui me connaissent me voient toujours très calme, mais en réalité, j’ai des difficultés énormes à gérer mes émotions et elles me submergent très facilement. Quand je fais travailler mes chiens au troupeau et que cela ne se passe pas comme je le souhaiterais, je prends la situation beaucoup trop à cœur, et je termine la séance complètement découragée. Procéder ainsi n’a rien de bénéfique, ni pour les chiens qui ressentent ma frustration, ni pour moi qui finis le travail sur une émotion négative : la colère ou la tristesse. J’essaie désormais d’être à l’écoute de mes émotions et de m’arrêter avant qu’elles ne débordent, même si c’est difficile. Essayez de faire de même : ne vous laissez pas dépasser par une situation, prenez une bonne inspiration et redescendez d’un cran dans vos exigences. Par exemple, si votre chien ne revient pas correctement au rappel ce jour-là alors qu’il est plutôt à l’écoute en temps normal, laissez tomber pour cette fois et tenez-le en longe pour le reste de la promenade. Vous ne tomberez pas ainsi dans le piège de la colère qui est la pire ennemie de toute progression en éducation canine.
👉 Renseignez-vous sur les prédispositions génétiques de la race choisie :
Votre chien-loup de Saarloos escalade votre clôture pour faire la chasse aux poules du voisin ? Votre Montagne des Pyrénées aboie sur les passants depuis le jardin ? Votre Bouvier Australien pince les roues de votre vélo ou de la voiture quand vous quittez votre allée ? Ces comportements font partie de la génétique de ces races. Ils peuvent s’atténuer avec de l’éducation (et donc en renforçant un autre comportement plutôt que le comportement gênant), mais ils ne disparaîtront jamais complètement et seront toujours latents. Connaître les prédispositions génétiques de la race que vous choisissez, et encore plus de sa lignée (lignée beauté ou travail -la seconde n’étant pas recommandée en ce qui concerne les chiens destinés uniquement à la compagnie) vous permettra de pouvoir anticiper d’éventuels comportements problématiques, et de penser à l’avance à des solutions pour faire diminuer leur fréquence et/ou leur intensité.
En somme, éduquer un chien, c’est se renseigner, observer, et prendre du recul. C’est se débarrasser du carcan qui nous enserre, nous humains, qui ne parvenons que difficilement à nous délester de nos idées préconçues et de notre vision du monde anthropocentrée. Entretenir une relation harmonieuse avec son chien, c’est devenir un peu chien soi-même en observant le monde à travers ses yeux. Vous pourriez même y prendre goût, car considérer la vie d’un point de vue canin, c’est savoir saisir au vol, tel un frisbee, tout ce qu’elle peut nous apporter de positif.
Nous avons des leçons à en tirer !
Elsa Weiss / Cynopolis
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