Quand je promène mes chiens à la gravière du coin de ma rue, je croise de nombreux chiens. C’est le point de rendez-vous des propriétaires de toutous de ma commune, et les chiens sont amenés à passer parfois très près les uns des autres, sur des chemins étroits. Je vois alors de nombreuses personnes faire la même erreur (que je commettais moi-même il y a quelques années, n’y voyez donc aucune accusation) : elles se figent, le temps de me laisser passer avec mes trois monstres.
En soi, c’est un comportement très appréciable, qui montre qu’elles respectent les autres propriétaires de chiens puisqu’elles les laissent passer poliment pour éviter un croisement en laisse museau à museau (qui, au mieux, n’apporte rien aux chiens, et au pire, les énerve car ne leur permet pas de se renifler sans entraves). Mais, quand j’observe les chiens en question, soit ils trépignent, répondant difficilement aux « pas bouger, pas bouger, tu laisses, pas bouger » de leur humain, soit ils se mettent à aboyer au moment du passage de mes chiens, la tension étant trop dure à supporter ; soit ils se couchent, et ce n’est pas toujours un signe d’apaisement mais parfois, un prélude à une attaque puisque l’animal n’a aucune possibilité de s’éloigner pour échapper à une situation qui le met mal à l’aise. Dans tous les cas, laisser passer un congénère tout près sans bouger est extrêmement stressant, c’est en tout cas ce qu’exprime le comportement de tous ces chiens, et même celui des miens qui, contraints de passer devant un chien qui les dévore du regard, envoient force signaux destinés à apaiser la situation.
Quand vous croisez un chien, pensez toujours à cela : le chien est un être de mouvement ! Lorsqu’il se promène, il ne s’arrête pas pour contempler le paysage (certes, il est capable de s’arrêter d’interminables minutes pour renifler une odeur intéressante, mais la prise d’informations est alors différée puisque l’animal qui a uriné n’est plus présent, il n’y a aucune pression sociale à subir). Quand deux chiens se croisent, il arrive qu’ils s’observent un long moment de loin pour connaître les intentions l’un de l’autre, mais jamais à courte distance, et surtout, dans ce genre de situation, les chiens choisissent de s’immobiliser et n’y sont pas contraints. À titre personnel, mais je pense que beaucoup se reconnaîtront, quand je croise une personne dans la rue, je ne suis pas très à l’aise. Je ne sais jamais si je dois l’ignorer, la regarder, lui dire bonjour… Si j’en ai la possibilité, je préfère l’éviter. Alors si on me contraignait à rester immobile le temps d’un croisement rapproché avec cette personne, la situation pour moi serait encore plus inconfortable : devrais-je lui faire un sourire poli ou regarder mes chaussures en feignant de ne pas la voir ? Pour beaucoup de chiens, c’est la même chose. Contraints de subir une situation qui les met mal à l’aise, ils subissent un stress qui pourrait être évité et parfois même, développent des comportements agressifs.
Alors, que faire ? Pour commencer, je vous conseille d’éviter autant que possible les croisements en laisse à courte distance. Ne pensez pas que votre chien s’y habituera à force d’en subir : au contraire, il risque de se sensibiliser et de supporter de moins en moins les croisements rapprochés avec des congénères. Prenez de la distance dès que vous le pouvez, et marchez ! Ne laissez pas votre chien se focaliser sur l’autre toutou. Parlez-lui de manière détendue s’il le faut, et prévoyez des récompenses : quand vous n’avez pas d’autre choix que de croiser un autre chien et que cela met votre chien mal à l’aise, utiliser le sens le plus développé de votre compagnon (son flair !) en lui collant des friandises sous la truffe et les lui donnant tout en marchant, est un grand classique qui fonctionne généralement bien. Non seulement cela détourne l’attention de votre chien, mais cela lui permet de comprendre qu’une situation qui ne lui plaît pas beaucoup, peut aussi lui apporter des éléments positifs. Ne vous fiez pas toujours non plus à la volonté de votre chien : il ne sait pas toujours ce qui est « bon » pour lui. Ce n’est pas parce qu’il tire sur sa laisse en direction d’un congénère qu’il sera à l’aise avec lui, surtout si les deux chiens n'ont pas la possibilité de se renifler le derrière en toute liberté.
Pour que deux chiens se rencontrent correctement, il faut d’abord observer votre animal : a-t-il envie de cette rencontre ? Soyez attentif : peut-être se cache-t-il derrière vous, ou fait-il un écart discret pour éviter son congénère. Dans ce cas, n’insistez pas. Sinon, l’idéal est bien entendu de détacher les deux chiens (assurez-vous que chacune des deux parties est d’accord !). Une rencontre en laisse détendue est possible également, tant qu’on n’entrave pas les animaux (même une tension minime sur la laisse peut déclencher une agression, soyez prudent et effacez-vous au maximum pendant la prise d’informations mutuelle des deux canidés). Attention aussi au moment inévitable où les laisses s’enroulent. Et surtout, ne TOUCHEZ pas les chiens pendant qu’ils se reniflent ! Mais si une rencontre correcte est impossible et que vous êtes contraint de croiser un autre chien en laisse à courte distance, ne faites pas l’erreur de vous figer.
Alors bougez, bougez, bougez !
Elsa Weiss / Cynopolis
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