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Photo du rédacteurCynopolis Elsa Weiss

American Staff, Pitbull… Pourquoi ces accidents ?

On l’aime ou on le déteste, l’American Staffordshire Terrier, avec son corps trapu et sa gueule a faire pâlir un alligator. J’ai découvert cette race à la fin des années 90, alors qu’elle n’était pas encore très connue en France mais qu’elle commençait déjà à provoquer des débats passionnés. Il faut dire qu’à l’époque, elle était particulièrement en vogue dans les quartiers difficiles, où étaient parfois organisés des combats de chiens clandestins. L’American Pitbull Terrier, très proche tant sur le plan physique que comportemental de son cousin l’Amstaff (qui est en fait, en quelque sorte, la lignée « beauté » du Pitbull) n’était pas encore interdit en France, et les deux races commençaient à faire parler d’elles, malheureusement en des termes peu élogieux. Dangereux, agressifs, assoiffés de sang, aucun qualificatif n’était assez fort pour décrire ces Grands Méchants Loups des temps modernes. Et encore aujourd’hui, après le passage de la loi de 99 qui a interdit l’import et l’élevage de L’American Pitbull Terrier en France, et qui a imposé des règles strictes aux propriétaires de chiens dits « dangereux », l’évocation de ces animaux continue de déchaîner les passions.


J’avais une quinzaine d’années à l’époque où la loi sur les « chiens catégorisés » est passée. Je ne croyais déjà pas trop en l’agressivité soi-disant naturelle de ces races envers l’humain, mais c’est en côtoyant de près un American Pitbull Terrier, que j’ai commencé à découvrir réellement ces chiens sous un autre jour. Ce Pitbull s’appelait Tyson (pas très original), il était bringé, très musclé, il avait une gueule impressionnante et le sourire du Joker lorsqu’il haletait. Il avait tout pour faire peur, et pourtant, ce n’était… qu’un chien. Juste un chien. Il allait au club canin où nous emmenions notre chien Jules à l’époque, et il aimait exactement les mêmes choses que ses congénères : renifler le derrière des copains, se rouler dans l’herbe, réclamer une grattouille aux humains qu’il croisait, faire des parties de jeux endiablées sur le terrain de détente. Rien à voir avec les bêtes vicieuses décrites par les médias, prêtes à nous arracher un bras à la moindre occasion. Les autres Pitbulls et American Staffs que j’ai eu l’occasion de rencontrer par la suite, n’ont fait que confirmer ce que je pensais : ces races ne présentaient aucune agressivité naturelle envers l’humain.


Avec les autres chiens, c’est différent : American Staff et Pitbull étant issus de lignées d’animaux sélectionnés pour les combats contre d’autres chiens (ainsi que d’autres espèces animales victimes de l’attrait de l’humain pour la violence), ils peuvent se montrer, encore aujourd’hui, quelque peu bagarreurs avec leurs congénères. Si certains sont parfaitement sociables (c’est le cas de mon American Staff, qui est très amical avec les autres chiens), beaucoup ne les tolèrent qu’à petite dose, et d’autres ne peuvent tout simplement pas les voir en peinture. On ne peut pas leur en vouloir : les chiens de combat ont été créés pour être bagarreurs, pas pour boire le thé avec leurs congénères. En revanche, imaginez un Pitbull belliqueux avec l’humain : étant trop dangereux à manipuler, il n’aurait pas fait long feu, et n’aurait pas été sélectionné pour produire une descendance. Seuls les individus doux avec l’humain étaient conservés. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, ce type de chien est généralement très amical avec l’Homme.


Pourtant, des accidents, entraînant parfois la mort d’un être humain, ont bel et bien eu lieu ces deux dernières décennies. Pourquoi ? Premièrement, parce que le Staff n’est pas à mettre entre toutes les mains : le jeune Amstaff est puissant et fougueux. Issu de croisements entre des Bulldogs et des Terriers, il aime les jeux brutaux (tirer sur un chiffon, simuler une bagarre), et mordre est pour lui un véritable plaisir. Rien de vicieux dans ce comportement : beaucoup de races, comme le Jack Russell Terrier, le Fox ou le Malinois par exemple, aiment mordre. N’est-ce pas indispensable lorsqu’on est un chien d’intervention ou qu’on doit tenir tête à un renard dans son terrier ? Cela ne signifie pas que ces chiens sont dangereux pour l’humain. En revanche, ils affectionnent souvent les jeux de tug, tirer sur un chiffon ou une corde. Or, mal canalisés, ces jeux peuvent dégénérer. Si un American Staff attrape un bras à travers une manche, pensant qu’il s’agit d’un simple chiffon, ça fait mal. Et ça fait forcément beaucoup plus de dégâts que s’il s’agissait d’un Épagneul Papillon.


Ajoutez à cela des chiens issus de lignées instables (j’ai travaillé en refuge plusieurs années, et la race la plus représentée derrière les barreaux était l’American Staff non LOF, dont l’élevage est pourtant censé être interdit en France, seuls les individus à pedigree ayant le droit de se reproduire et d’être cédés), et de mariages douteux, et vous obtenez le parfait mélange pour créer un chien potentiellement dangereux. Bien entendu, ce type de chien n’attire pas toujours les bonnes personnes, beaucoup ne connaissant rien à la race et souhaitant juste se pavaner avec un « chien qui fait peur » au bout de la laisse. C’est navrant, et ça finit parfois de façon dramatique. Surtout si (on rejoint là le point précédent), ces personnes ont un penchant pour les sports de mordant qui, bien encadrées, sont souvent bénéfiques pour le chien, mais mal gérées, peuvent avoir des conséquences terribles. Dans tous les cas, l’American Staff n’a officiellement pas le droit de participer à des sports de mordant.


Enfin, il y a ces personnes qui, convaincues au contraire que l’Amstaff est si inoffensif qu’il peut tout tolérer, se montrent insuffisamment prudentes, voire même, tentent par tous les moyens de prouver que leur chien aime tout le monde, en postant des photos de leur enfant assis sur le dos de l’animal, ou de leur nouveau-né couché à côté du chien. Il s’agit là aussi de comportements dangereux. Ces situations mettent les chiens mal à l’aise et peuvent provoquer des agressions. La mâchoire du Staff étant très puissante, la peau des bébés très fine et le visage de ces derniers à portée immédiate de la gueule du chien, on court souvent à la catastrophe. Quelle tristesse de pousser dans ses retranchements un chien qui aime tant l’humain, et de mettre bêtement en danger l’intégrité physique des enfants.


Pour finir, j’évoquerai le cas des chiens encore aujourd’hui utilisés pour le combat (malgré une interdiction totale des combats d’animaux en France) et détenus dans des conditions déplorables. Privés de la possibilité de satisfaire leurs besoins de chiens, souvent dyssocialisés (les chiots sont privés de l’apprentissage des codes de communication permettant d’éviter les conflits entre chiens), il s’agit là d’une véritable maltraitance et d’une usine à fabriquer des machines de guerre.


Le point commun dans tout cela ? L’humain. L’humain qui a créé le Pitbull et l’Amstaff, l’humain qui le gère mal, l’humain qui cherche parfois à provoquer une agressivité chez ces chiens, l’humain qui, par manque de prudence et par méconnaissance, le pousse dans ses retranchements et le contraint à mordre. Les personnes qui se servent de l’American Staff comme faire-valoir, au détriment de l’équilibre de l’animal et de la sécurité des personnes qui les entourent, s’en sortent souvent impunies, parce que c’est le chien qui est le plus souvent incriminé, et qui paie de sa vie la bêtise de celui qui a créé sa race. Soyons indulgents avec l’Amstaff, car ne l’oublions pas, lui n’aspire qu’à une chose : être « juste un chien ».


Elsa Weiss / Cynopolis

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