Un comportement est divisé en trois phases : la phase appétitive, la phase consommatoire et la phase d'apaisement. Prenons un exemple parlant pour illustrer ces trois phases : l'oncle Jean-Claude, malgré les mises en garde de sa nièce, décide de caresser Globule, le Terre-Neuve de cette dernière, alors qu'il dort paisiblement dans son panier. Globule, qui tient à sa tranquillité (et c'est tout à son honneur, après tout, il est dans SA chambre) émet un grondement sourd à l'approche de la main intrusive de Jean-Claude. Cette phase de menace, c'est la phase appétitive. Mais Jean-Claude, qui a eu cinq chiens dans sa vie, ne se laisse pas impressionner, aucun canidé ne lui grogne dessus à lui, non mais ! Sauf que... crac ! Globule passe à la phase consommatoire : il mord la main de Jean-Claude. Ce n'est pas faute de l'avoir prévenu, pense Globule, mais bon, certains humains sont un peu idiots. Après la phase consommatoire (la morsure, donc), le Terre-Neuve se lève et s'éloigne de cet intrus qui le met mal à l'aise. La séquence comportementale s'achève avec cette phase d'apaisement.
Lorsqu'on veut agir sur le comportement d'un chien, il est beaucoup plus efficace d'agir sur la phase appétitive, autrement dit, sur l'intention du chien. Par exemple, si votre chien fait de la prédation, il est plus « facile » (tout est relatif) de le rappeler alors que vous commencez à le voir humer l'air, fixer un gibier, marquer un arrêt ou mettre le nez au sol, plutôt que de le faire s'il est déjà en pleine course-poursuite derrière un lièvre. S'il est réactif envers ses congénères, détourner l'attention de son compagnon au moment où il commence à regarder l'autre chien, portera davantage ses fruits qu'essayer de le faire alors qu'il aboie déjà comme un forcené au bout de sa laisse. Enfin, si vous voulez enseigner à votre chien à ne pas aller à la rencontre de tous les congénères qu'il croise en promenade, rappelez-le AVANT qu'il ne soit en route pour aller saluer un autre chien. S'il est déjà en train de renifler le derrière de Guizmo, son copain le Carlin, vous pouvez être sûr qu'il ne reviendra pas vers vous.
Prendre conscience du fait qu'agir sur la phase appétitive est plus efficace que d'agir sur la phase consommatoire, permet d'aborder autrement l'éducation ou la rééducation de son chien. Souvent, c'est plus facile à dire qu'à faire : il faut bien connaître son chien, avoir de bonnes capacités d'observation, un timing et des réflexes précis. Lorsque j'entraîne Sirius au troupeau, je me fais souvent avoir, d'autant qu'il est extrêmement rapide, et qu'un humain, aux yeux d'un chien, est d'une lenteur consternante (et moi, probablement encore plus...). Si je fais sortir les moutons d'un parc, par exemple, et que je lui demande de rester sans bouger bien avant que le troupeau ne sorte, généralement il ne bouge pas. Tandis que si je m'y prends trop tard, et qu'il est déjà « au cul » des brebis, comme on dit, je vais avoir beaucoup plus de mal à l'arrêter et à le rappeler à moi, parce que je n'ai pas agi sur son intention, mais sur une action en train d'être consommée.
Alors okay, pas évident, tout cela... Mais comprendre qu'il vaut mieux agir sur l'intention du chien plutôt que sur la phase consommatoire du comportement, c'est déjà faire un grand pas en avant vers une meilleure gestion de son toutou au quotidien.
Elsa Weiss / Cynopolis
© Tous droits réservés - 2023
Comments